Un texte de Pierre-André Normandin, La Presse
La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) évalue que la facture pour le transport collectif passera de 2,9 milliards en 2018 à 5,7 milliards en 2028, selon un document obtenu par La Presse. Cette évaluation tient compte du coût d'exploitation des services actuels ainsi que de ceux qui seront livrés durant cette période.
Cette croissance ne tient pas compte des autres projets avancés par la Coalition avenir Québec en campagne électorale, comme les prolongements du REM dans les couronnes sud et nord ou le tramway projeté dans l'est de l'île de Montréal. La ligne rose poussée par la mairesse Valérie Plante n'est pas incluse dans ce cadre financier non plus.
Hausse difficile à soutenir
Cette augmentation représente une hausse annuelle de 7,1% en moyenne, une croissance nettement plus rapide que le budget des villes qui doivent éponger une importante partie de la facture.
Depuis la création de l'Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), les 82 municipalités de la région reçoivent une facture pour payer 30% du coût du transport collectif. Une telle croissance sera difficile à soutenir, la principale source de financement des villes, l'impôt foncier - mieux connu sous le nom de taxes municipales -, ayant atteint ses limites. Chaque année, les administrations municipales tentent de limiter les augmentations de taxes à l'inflation. Depuis cinq ans, par exemple, les villes de la région ont augmenté leurs dépenses de 1,8% en moyenne par an.
Les villes de la région montréalaise craignent de subir un important choc avec le développement rapide des transports en commun. En tablant sur une contribution de 30%, elles évaluent que leur facture pour le transport collectif passera de 834 millions à plus de 1,7 milliard par an, d'ici 2028.
Un choc pourrait se faire sentir dès 2021 alors que les mesures d'atténuation prévues dans le budget 2017-2018 par le gouvernement de Philippe Couillard prendront fin.
Québec avait accepté à l'époque d'atténuer le choc en accordant une aide de près de 400 millions sur cinq ans. Cette aide a notamment permis de contenir à 2,3% la hausse de la contribution des villes à l'ARTM en 2019.
La CMM veut convaincre Québec de prolonger pour au moins cinq ans, soit jusqu'en 2026, cette aide afin de limiter la croissance de sa facture.
Estimant que l'impôt foncier a atteint ses limites, elles demandent aussi de trouver d'autres sources de financement - une demande récurrente du milieu municipal depuis des années.
Vers une «taxation kilométrique»?
Cette autre source de financement reste à trouver, mais la CMM évoque l'«écofiscalité», citant en exemple la «taxation kilométrique». Il s'agirait ainsi de taxer les déplacements des automobilistes en fonction du nombre de kilomètres parcourus.
Un système de péages pourrait aussi être envisagé. Une telle proposition risque toutefois d'être délicate considérant le débat soulevé pour éviter qu'un tel dispositif ne soit implanté sur le nouveau pont Champlain. De plus, l'idée de ceinturer Montréal d'un cordon de péages a fréquemment été évoquée depuis plus de 10 ans, sans jamais aller de l'avant.
Reste également à voir si le gouvernement sera ouvert à une telle solution, alors que celui-ci s'est maintes fois opposé à l'idée d'alourdir le fardeau des citoyens.
Les solutions de rechange sont difficiles à trouver. Plusieurs s'entendent pour dire qu'il serait contre-productif de demander davantage aux usagers du transport collectif. L'ARTM vise à ce que leur part représente 31% du financement.
On évalue qu'il serait difficile de demander plus, une hausse des tarifs risquant de décourager les usagers et d'ainsi annuler les gains souhaités. Une vaste réorganisation des tarifs est d'ailleurs en cours en vue de l'arrivée du REM.
Loin des objectifs
Rappelons que, devant la croissance marquée de la congestion, la région de Montréal a entrepris d'augmenter son offre de transport collectif. La CMM a comme objectif d'augmenter l'utilisation du transport collectif afin qu'il représente 35% des déplacements d'ici 2031. Mais voilà, sa part modale stagne à 25% depuis 2008.
Si l'objectif est atteint dans l'île, où plus du tiers des déplacements se font en métro ou en autobus, les couronnes en sont loin. Selon la plus récente enquête Origine-Destination, 23% des déplacements à Longueuil et 18% à Laval se font en transport collectif; c'est 9% dans la couronne sud et 7% dans la couronne nord.
CONTRIBUTION DES VILLES DANS LA FACTURE DU TRANSPORT COLLECTIF DANS LA RÉGION DE MONTRÉAL
(Année - Coût du transport collectif dans la région de Montréal - Contribution des villes)
2018 - 2 893 000 000 $ - 834 000 000 $
2019 - 3 362 000 000 $ - 968 000 000 $
2020 - 3 573 000 000 $ - 1 043 000 000 $
2021 - 3 798 000 000 $ - 1 138 000 000 $
2022 - 4 038 000 000 $ - 1 211 000 000 $
2023 - 4 293 000 000 $ - 1 289 000 000 $
2024 - 4 565 000 000 $ - 1 368 000 000 $
2025 - 4 740 000 000 $ - 1 424 000 000 $
2026 - 5 048 000 000 $ - 1 515 000 000 $
2027 - 5 377 000 000 $ - 1 613 000 000 $
2028 - 5 727 000 000 $ - 1 719 000 000 $