DENIS LESSARD
Aux prises avec des pertes d'emplois importantes à l'usine Bombardier de La Pocatière, le gouvernement Couillard envisage d'accélérer le remplacement des voitures de métro mis en service dans les années 70 à Montréal.
PHOTO ALAIN ROBERGE, archives LA PRESSE
Aux prises avec des pertes d'emplois importantes à l'usine Bombardier de La Pocatière, le gouvernement Couillard envisage d'accélérer le remplacement des voitures de métro mises en service dans les années 70 à Montréal. Il y a quatre ans, cette commande, coûteuse, avait été repoussée jusqu'en 2036 par la Société de transport de Montréal (STM).
Selon les informations obtenues par La Presse auprès de trois ministères concernés par le projet, c'est ce à quoi Philippe Couillard fait allusion quand il évoque une solution « prochaine » pour l'usine en panne de contrats à compter de l'automne prochain.
Encore cette semaine, en tournée dans le Bas-du-Fleuve, il soutenait que « d'ici quelques semaines au maximum, il y aura[it] des précisions pour qu'on puisse garantir du travail en continu à l'usine ».
Québec compte annoncer rapidement la solution qu'il envisage pour limiter le plus possible la durée des licenciements, « mais le communiqué n'est pas encore écrit », convient-on à Québec. À compter du début de l'automne, les licenciements commenceront à tomber à l'usine de La Pocatière. On prévoit que 300 des 600 employés seront temporairement suspendus - l'usine compte 400 ouvriers et 200 cadres.
La commande actuellement en cours, celle de 2010, consistait à remplacer par des voitures Azur les voitures M-63 mises en fonction à l'ouverture du métro. À l'origine, le contrat de remplacement comprenait les rames mises en service dans les années 70, les M-73. Mais le contrat, de 1200 voitures à l'origine, avait été révisé à 486. À l'automne 2014, la STM avait choisi de prolonger de 20 ans la vie des 423 M-73, une facture de 108 millions, plutôt que de renouveler le parc avec des Azur.
Chaque voiture coûte théoriquement 2,5 millions, mais la facture réelle est moindre compte tenu des économies d'échelle. Un remplacement de tout le parc aurait ainsi pu dépasser le milliard, mais chez Bombardier, des sources indiquent que la commande et le prix restent à discuter avec le gouvernement.
En vertu des ententes entre les villes et Québec, c'est ce dernier qui paie la facture pour le matériel roulant. Le remplacement des M-73 se heurte toutefois à certains obstacles - il faut modifier des garages et les mécaniciens plus âgés auront besoin d'une mise à jour importante. Actuellement, deux cohortes travaillent chacune sur un type de voiture, Azur ou M-73.
La décision tomberait à point nommé pour le gouvernement. Depuis deux semaines, il est sérieusement malmené à l'Assemblée nationale par l'opposition péquiste, qui s'insurge de l'absence de retombées pour le Québec dans l'attribution du contrat du Réseau express métropolitain, le REM, un pactole de 6,3 milliards.
CONSTRUITES EN CHINE
Environ 25 % de ce contrat ira à la construction du matériel roulant. Or, selon les informations obtenues par La Presse, même si le contrat avait été accordé au consortium dont Bombardier faisait partie, aucune des voitures du REM n'aurait été construite à La Pocatière. Bombardier prévoyait faire ses voitures en Chine. Alstom Transport Canada, qui l'a emporté avec SNC-Lavalin et O&M, aiguillera aussi ce mandat vers des usines de l'étranger.
Car un seul critère a guidé la décision de la Caisse : le coût de la soumission déposée, indique-t-on. Or, selon ce critère, le consortium de Bombardier était en bien mauvaise position. Non seulement son prix était-il beaucoup plus élevé que celui d'Alstom, mais en plus il était au-dessus de celui de l'autre concurrent, un groupe chinois. Bombardier Transport, propriété à 30 % de la Caisse de dépôt, était troisième et dernière au fil d'arrivée.
Pour Alain Therrien, député péquiste de Sanguinet, le fait que le contrat aille à Alstom ou à Bombardier ne fait rien à l'affaire : l'important reste que les rames soient construites au Québec.
En Chambre, M. Therrien a rappelé la sortie de Philippe Couillard après la poursuite hostile de Boeing vis-à-vis de la C Series. Aucun produit de Boeing ne devait rentrer au Québec. « Pour le REM de 6,7 milliards, c'est plutôt : "Pas un boulon, pas une pièce, pas un train fait au Québec." Que ce soit le fonds des retraités des Québécois, les subventions d'Hydro-Québec ou l'argent des contribuables, il n'y a pas un cent dans le REM qui n'est pas de la part des Québécois. Malgré tout, le gouvernement n'a même pas été capable de demander du contenu québécois », s'est insurgé M. Therrien.
En réplique, le ministre des Transports, André Fortin, a répété que l'ensemble du chantier du REM comptait 65 % de contenu canadien. Jouer dans le processus de décision de la Caisse de dépôt aurait exposé le Québec et la Caisse à une décote des agences d'évaluation.
Exiger du contenu sur le marché intérieur, « on le fait en Europe, on le fait aux États-Unis, on le fait partout. Qu'il arrête de me parler de décote, c'est ce qu'on fait ailleurs dans le monde. À un moment donné, il va falloir comprendre qu'il faut avantager les emplois d'ici, au Québec. Ça serait quoi pour le gouvernement de mettre le poing sur la table et enfin, enfin agir comme un leader ? », a lancé le député de Sanguinet.
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