Un texte de Zacharie Goudreault du Journal Métro
Entre un manque de financement, des systèmes de recharge divergents et les aléas de la météo, les freins à l’électrification des autobus des sociétés de transport en commun du pays sont multiples. Des experts réclament plus de volonté politique pour surmonter ces défis.
La salle du conseil d’arrondissement de Saint-Laurent s’est remplie mardi matin d’experts en matière de transport urbain et de quelques élus municipaux qui ont pris part à un séminaire portant sur l’électrification des autobus de transport en commun du pays.
«Il faut avancer l’électrification des transports au Canada. Le plus grand problème n’est pas technique, il est culturel. Quand on veut des fonds, on les trouve», a affirmé la directrice exécutive du Consortium de recherche et d’innovation en transport urbain au Canada (CRITUC), Josipa Petrunic, qui demande à l’élite politique de faire preuve d’une plus grande «mentalité d’innovation».
L’experte note que l’absence d’une norme fédérale pour encadrer les bornes de recharge des autobus électriques des sociétés de transport du pays peut causer des maux de tête à ces dernières.
La Société de transport de Montréal (STM), par exemple, dispose actuellement de trois autobus électriques à recharge rapide qui circulent sur la ligne 36-Monk. Dans les prochaines années, la STM ajoutera à sa flotte 38 autobus électriques produits par trois compagnies différentes, ce qui implique l’aménagement de trois systèmes de recharge différents et, donc, des coûts supplémentaires.
«Quand une société de transport passe d’une compagnie à un autre pour acheter ses autobus [électriques], elle doit retirer les anciens systèmes de recharge pour en mettre de nouveau. C’est pourquoi on cherche une législation pour une recharge universelle qui pourrait être appliquée par les différents fabricants», a expliqué à Métro le conseiller municipal de Snowdon et ancien vice-président de la STM, Marvin Rotrand.
«Plusieurs technologies de recharge pourraient être nécessaires pour faire face à la diversité des besoins du transport collectif et optimiser les coûts d’exploitation. Le choix du mode de recharge en garage doit donc faciliter l’interopérabilité d’un centre de transport à un autre», a quant à elle réagi la STM par le biais de son porte-parole, Philippe Déry.
À partir de 2025, la STM envisage d’acheter uniquement des autobus électriques pour remplacer ses autobus hybrides et au diesel, dont la durée de vie est d’environ 16 ans.
«On a mis en place de nombreux objectifs, mais ça prend des actions concrètes. Il faut que les bottines suivent les babines.» – Le maire de l’arrondissement de Saint-Laurent, Alan DeSousa, au sujet de l’électrification de la flotte d’autobus de la STM
Recharge rapide
Une étude comparative portant sur des essais d’autobus électriques dans les villes de Vancouver et de London, en Ontario, indique que le nombre d’autobus électriques devant être déployés sur la route lorsque l’achalandage et le nombre d’arrêts sont élevés – comme aux heures de pointe – est nettement plus grand avec des bus à recharge lente. Ceux-ci doivent en effet demeurer plusieurs heures au garage lorsque leur batterie est vide avant de retourner sur la route.
Or, la majorité des autobus électriques qui ont été commandés par la STM et la Société de transport de Laval (STL) sont à recharge lente.
«Au départ, les manufacturiers priorisaient la recharge rapide parce que l’autonomie de la batterie était faible. Mais maintenant, on produit des autobus ayant une autonomie de 200, voire 250 kilomètres […] Éventuellement, plus l’autonomie de la batterie va être grande, plus la recharge lente au garage va devenir intéressante», a affirmé à Métro le président du conseil d’administration de la Société de transport de Laval (STL), Éric Morasse, ajoutant que la STL compte acheter seulement des autobus électriques dès 2023.
Bien que 30 de ses prochains autobus électriques seront à recharge lente, la STM affirme quant à elle qu’elle «ne priorise pas un modèle de recharge plutôt qu’un autre à l’heure actuelle».
«Nous croyons plutôt que plusieurs technologies de recharge pourraient être nécessaires pour faire face à la diversité des besoins du transport collectif et optimiser les coûts d’exploitation», a mentionné Philippe Déry.
Climat rigoureux
Le froid hivernal représenterait un autre enjeu de taille venant complexifier l’électrification des transports au pays en augmentant la consommation d’énergie des autobus.
«À Montréal, il faut comprendre qu’à cause de la rigueur du climat, en hiver, ça double la consommation d’énergie des autobus», a noté Frédéric Delrieu, chef de produit en électromobilité et produits avancés pour Nova Bus.
«Malheureusement, au Canada, on n’est pas capable d’avoir un chauffage entièrement électrique dans les autobus. On doit avoir recours au diesel», a par ailleurs noté la directrice en stratégie de la recherche du CRITUC, Anaïssia Franca.
Cette dernière a d’ailleurs noté que le recours à des autobus électriques permettrait aux sociétés de transport de réaliser de grandes économies, cette source d’énergie étant bien moins coûteuse que le diesel utilisé conventionnellement.