Un texte de LesAffaires.com
Ces temps-ci, les véhicules électriques sont vus comme la solution pour réduire les gaz à effet de serre (GES). Mais Catherine Morency jette un pavé dans la mare : pour les individus, remplacer son auto à essence par une auto électrique n’est pas un geste vert. La professeure à Polytechnique Montréal et titulaire de la Chaire Mobilité et de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilité des personnes sera conférencière au Sommet transport et mobilité, présenté par les Événements Les Affaires le 6 novembre prochain à Montréal.
« L’auto électrique génère moins de GES que celle à essence, mais si elle est peu utilisée, son empreinte environnementale est plus grande parce que sa fabrication nécessite des métaux rares dont l’extraction est polluante, explique-t-elle. Or, les voitures individuelles sont stationnées en moyenne 95 % du temps et n’ont souvent qu’une seule personne à bord le reste du temps. »
L’électrification est un choix plus écologique seulement pour les véhicules qui roulent beaucoup, comme les autobus, les taxis ou les autos partagées, d’après Catherine Morency.
Pour elle, le programme Roulez Électrique du gouvernement du Québec ne tient pas la route. « Donner jusqu’à 8000 $ d’argent public à une personne pour qu’elle s’achète une auto électrique est une aberration. Cet argent serait mieux utilisé s’il était investi dans l’amélioration du transport collectif. »
Sans compter que le passage à l’électrique ne règlera rien aux problèmes de congestion chronique des grands centres urbains, car il y aura autant de voitures sur les routes.
« La congestion, ce n’est pas seulement les autres, c’est vous, c’est moi, c’est chaque personne qui est assise dans son auto avec quatre sièges vides à côté », souligne l’experte en mobilité. Que cette voiture roule à l’essence ou à l’électricité !
Au cours des 50 dernières années, les automobilistes se sont appropriés l’espace urbain avec des conséquences environnementales et économiques énormes, souligne Catherine Morency. Et ce n’est pas avec une éventuelle gratuité du transport en commun qu’on va inciter les gens à délaisser l’auto en solo, mais plutôt en diversifiant et en améliorant l’offre.
La conférencière suggère d’augmenter la fréquence et la diversité du service, le nombre de correspondances, le confort, l’information donnée aux voyageurs, l’accessibilité aux arrêts à pied et à vélo, etc. « Il faut aussi offrir plusieurs trajets entre les destinations pour que les gens aient un plan B en cas de panne ou de retard et qu’ils puissent organiser leur déplacement selon leurs préférences. »
En plus de la bonification de l’offre, on doit accorder la priorité aux usagers du transport collectif et aux cyclistes en multipliant les voies réservées. « Il faut sortir les autobus de la congestion ! », lance Catherine Morency.
Le recours à l’autopartage, au vélopartage et au covoiturage doit aussi être soutenu avec des mesures incitatives. Si tous les automobilistes de la grande région de Montréal partageaient leur véhicule, il y aurait quelque 500 000 véhicules de moins sur les routes tous les jours.
Cependant, tout cela ne suffirait pas à réduire de façon importante la dépendance à l’automobile. Catherine Morency préconise que l’amélioration des modes de transport alternatifs soit accompagnée de mesures contraignantes envers l’usage de l’auto individuelle : taxer le stationnement, instaurer une taxe au kilomètre parcouru, augmenter les taxes sur l’essence, etc.
« L’idée, c’est de faire en sorte que les automobilistes assument les coûts indirects et cachés de leur mode de déplacement », soutient-elle. Du coup, le transport collectif ou actif deviendrait une solution encore plus économique.
Évidemment, les gens sont attachés à leur automobile et des résistances sont à prévoir. Il faudra donc les préparer longtemps d’avance à cette transformation en les informant de ce qui s’en vient. Les élus devront faire preuve d’un grand courage politique, convient la conférencière. L’avenir le dira.