Un texte de Pierre-André Normandin, La Presse +
Qu'il s'agisse du métro ou du trafic routier dans la grande région de Montréal, les problèmes de congestion étaient une fois de plus au cœur des dossiers touchant les transports cette semaine.
Montréal a besoin d’une nouvelle ligne de métro contournant la station Berri-UQAM pour désengorger son réseau souterrain qui arrive à saturation, plaide la Société de transport de Montréal (STM).
« Il y a une limite à ce qu’on peut faire. On ne peut pas avoir un métro toutes les 20 secondes. C’est pour cela qu’il est important de réfléchir au développement du réseau, à d’autres lignes de métro », a plaidé le président de la STM, Philippe Schnobb.
Le transporteur montréalais a profité de l’étude de son budget 2019, hier, à l’hôtel de ville pour revenir sur la hausse marquée de son achalandage. Le nombre de déplacements a augmenté de 5,5 % sur la ligne orange depuis le début de l’année, les trains Azur étant souvent pleins de Laval au centre-ville aux heures de pointe. La situation est particulièrement pénible à la station Berri-UQAM, où des agents de sécurité doivent être déployés pour faciliter les déplacements des usagers sur les quais bondés.
« L’idée d’une ligne de métro qui n’aurait pas de correspondance à Berri est une très bonne idée parce que ça viendrait alléger l’impact. À Berri, l’enjeu n’est pas tant les gens qui entrent à la station que ceux qui font la correspondance. L’idée de la ligne rose qui ne fait pas correspondance à Berri est certainement une solution qui fait du sens », a ajouté Philippe Schnobb.
L’administration Plante plaide pour une décision rapide sur le prolongement du réseau de métro, notamment grâce à son projet de ligne rose. Voilà, la décision ne relève plus de la Ville ou de la STM, mais de l’Autorité régionale du transport métropolitain.
« Qu’est-ce que ça va être dans 15 ans si on ne fait rien ? Je vois cela comme un cœur. Si les artères sont engorgées, ça fait mal au cœur, et tout le corps en paie le prix », a illustré Craig Sauvé, élu responsable de la STM. Il assure que le projet de ligne rose serait bénéfique non seulement pour les Montréalais, mais aussi pour les Lavallois et les citoyens de la Rive-Sud.
Message aux sceptiques
À ceux qui doutent de la saturation du réseau souterrain, Philippe Schnobb « invite les gens qui sont sceptiques à prendre le métro à 8 h 15 sur la ligne orange ».
En attendant une nouvelle ligne, la STM indique qu’elle augmentera de 2,2 % le service dans le métro en 2019 afin de réduire la pression. L’ouverture prochaine du garage Côte-Vertu permettra également d’augmenter la cadence du service aux heures de pointe. On espère aussi que l’ouverture du Réseau express métropolitain viendra soulager la pression en permettant à plus de résidants de l’extérieur de l’île de rallier le centre-ville sans emprunter la ligne orange.
« Mais c’est un peu le même principe que quand on élargit les autoroutes : il y a de plus en plus de gens. On va augmenter le service [dans le métro], et il y aura de plus en plus de gens. Alors il faut aller plus loin encore », a dit M. Schnobb.
La STM travaille ainsi à redéployer ses lignes d’autobus pour pallier la saturation du réseau souterrain. Plutôt que de privilégier le rabattement, soit des lignes d’autobus dirigeant les usagers vers le métro, on cherchera à développer des tracés qui desservent directement le centre-ville. « Il faut poursuivre la réflexion, a dit Philippe Schnobb. Mais les gens qui prennent le réseau le matin se rendent bien compte qu’il faut agir. »
Problème d’intrusion
L’achalandage est tel que toute interruption de service se fait ressentir longtemps. C’est ce qui s’est produit mercredi matin alors que le conducteur du premier métro à circuler sur la ligne orange a vu une personne dormant dans le tunnel. L’alimentation électrique a dû être interrompue, puis des employés de la sécurité ont été envoyés sur place afin de localiser et de sortir l’intrus. Le service a ainsi été interrompu pendant 25 minutes. Au moins quatre trains, chacun transportant de 1000 à 1100 passagers, ont dû être annulés. Il a donc fallu plusieurs heures avant que la situation revienne à la normale. La STM planche sur un projet pour ajouter des portes palières sur la ligne orange afin de limiter les intrusions et d’éviter que les usagers ne laissent échapper des objets sur la voie, comme leur cellulaire.
Déplacements annuels
Toronto Transit Commission 535 millions
Société de transport de Montréal 447,7 millions + 4,2 %
Réseau de transport de la Capitale 45,4 millions + 1,1 %
Réseau de transport de Longueuil 34,0 millions + 2,0 %
Société de transport de Laval 22,1 millions + 0,2 %
Société de transport de l’Outaouais 20,6 millions + 1,2 %
Réseau de transport métropolitain (trains de banlieue) 20,3 millions + 4,1 %
Société de transport de Lévis 4,0 millions + 1,0 %
Société de transport de Saguenay 4,0 millions ND
Sources : rapports d’activités des sociétés de transport
Il était question d’un tramway dans l’est de Montréal, mais il se pourrait que le Réseau express métropolitain (REM) soit la solution pour combattre la congestion routière et relancer l’économie jusqu’à la pointe de l’île. L’idée mérite réflexion, croit la ministre déléguée aux Transports et responsable de la Métropole, Chantal Rouleau.
« Ça prend quelque chose de très structurant qui va permettre d’être l’élément déclencheur du redéveloppement économique de l’Est. Il faut que cela desserve les zones d’emploi et se rende du côté nord aussi. […] Tramway ou REM, c’est la même chose pour moi. C’est une question de choix de technologie », a affirmé hier à La Presse Chantal Rouleau.
Cette dernière a indiqué qu’il faudra analyser la technologie du train électrique mise de l’avant par la filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, CDPQ Infra, pour faire un choix éclairé. Jusqu’à maintenant, le gouvernement de la Coalition avenir Québec a proposé de construire un tramway le long de la rue Notre-Dame ; le prolongement du REM est promis jusqu’à Chambly et pourrait se faire, au nord, jusqu’à Mirabel.
« Chose certaine, il faut un axe de transport pour l’est de Montréal jusqu’à la pointe de l’île. Et on ne parle pas de multiplier les autobus », a-t-elle indiqué en soulignant que « le REM peut être une bonne idée ».
Deux emprises envisagées
Ce sont il s’agit, c’est un prolongement sur deux emprises, l’une sur la rue Notre-Dame à la faveur d’une réfection complète de celle-ci, et l’autre qui longerait le boulevard Henri-Bourassa, au nord. Cette idée a été lancée hier par le président de la Société de développement Angus (SDA), Christian Yaccarini, dans une allocution devant un parterre de gens d’affaires invités par la Chambre de commerce de l’Est de Montréal.
M. Yaccarini se faisait vraisemblablement l’écho de plusieurs acteurs économiques de l’Est montréalais en interpellant Mme Rouleau et son collègue de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, également présent.
« C’est, selon moi, une option que le gouvernement du Québec devrait envisager pour ne pas reproduire involontairement l’iniquité dont notre territoire fait les frais depuis 40 ans. »
— Christian Yaccarini, président de la Société de développement Angus (SDA)
M. Yaccarini a rappelé que le tracé du REM prévu par CDPQ Infra, dans l’ouest de Montréal, permettrait entre autres à l’arrondissement de Saint-Laurent de bénéficier à lui seul de cinq stations du REM, dont une au Technoparc.
« Où pensez-vous que les entreprises iront s’installer ? Le développement économique du centre et de l’ouest de l’île sera facilité, ce qui risque d’aggraver encore plus les iniquités envers l’est », a-t-il soulevé.
Peinturer le REM en rose
Par la suite, il s’est adressé spécifiquement aux élus municipaux de l’administration Plante pour les convaincre du bien-fondé de la proposition. « Vous pourriez porter le message à la mairesse qu’il nous fera plaisir de peinturer le REM de l’Est en rose, au besoin. »
Ce qui s’apparentait à un appel à un certain pragmatisme a provoqué des rires dans l’assistance mais n’a guère fait dévier de leur objectif politique les deux membres du comité exécutif de Montréal qui étaient présents. « C’est un projet intéressant, mais après la ligne rose », a laissé tomber, après l’événement, François Croteau, maire de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie.
Son collègue Robert Beaudry, de qui relève le développement économique au comité exécutif, s’est d’abord dit d’accord avec toutes les options de transport en commun pour l’Est qui pourraient enlever de la pression sur la ligne orange du métro. Il a également souligné que le bureau de projet de la ligne rose du métro entreprendrait sous peu des analyses qui devraient apporter un éclairage sur les véritables besoins en matière de mobilité.
« Notre priorité, c’est la ligne rose du métro, mais s’il y a des opportunités d’investissements supplémentaires pour le REM, dans l’est, pourquoi pas ? », a dit M. Beaudry.
Quant à savoir si CDPQ Infra pourrait envisager d’investir davantage dans le réseau du REM, on a rappelé hier par courriel que, « selon la gouvernance établie avec le gouvernement du Québec, il appartient à ce dernier d’identifier les projets sur lesquels il souhaite que CDPQ Infra se penche et développe des propositions techniques et financières ».
Vision sur le long terme nécessaire
Outre la proposition du REM qui a été présenté comme un outil important pour le développement économique, Christian Yaccarini a plaidé pour qu’un organisme dédié au développement territorial prenne les rênes d’un plan d’action.
« Pour renverser la vapeur, on a besoin d’un plan sur 20 ans. On doit se presser lentement. Les simples forces du marché ne seront pas suffisantes. »
— Christian Yaccarini
Du coup, il a proposé que la SDA soit ce meneur de troupe, « dirige les efforts sur le terrain » et développe « une vision forte et novatrice avec l’ensemble des partenaires ». Il importe, selon lui, que le travail à faire soit économique et social et que l’immobilier ne soit qu’un moyen pour parvenir à l’objectif.
Il a d’ailleurs mis en garde le ministre Fitzgibbon pour que les fonds publics puissent profiter à « des développeurs qui n’auront que le profit à court terme comme attentes ou, encore pire, aux pollueurs eux-mêmes ».
Le premier ministre François Legault a récemment annoncé la disponibilité de 200 millions de dollars pour la décontamination des anciens terrains industriels de l’est, qui sont laissés en friche.