Un texte de Jérôme Delgado, Le Devoir
Selon une étude de Statistique Canada réalisée à partir du recensement de 2016, les trajets de longue durée entre la maison et le travail effectués en automobile sont en hausse.
Près d’un million de Canadiens ont en effet déclaré passer plus d’une heure dans une automobile pour se rendre au travail. Cette frange de la population vit et travaille surtout dans une des trois grandes villes au pays, soit Toronto, Montréal ou Vancouver.
Dévoilée lundi, l’étude « Les trajets de longue durée en automobile pour se rendre au travail » ne surprendra personne. Le constat sur le navettage, terme qui désigne le déplacement de la résidence au travail quel que soit le mode de transport, ne rassurera cependant pas.
« Depuis 1996, le nombre de navetteurs a augmenté de 3,7 millions, ou de 30 %, pour s’établir à 15,9 millions en 2016. Les trois quarts des navetteurs canadiens conduisaient pour se rendre au travail (74 %), et 6 % faisaient du navettage comme passagers d’une automobile. Bien que la proportion de navetteurs [en] transport en commun ait augmenté légèrement au cours des 20 dernières années, l’automobile demeure le mode de transport privilégié de la grande majorité des navetteurs au Canada », lit-on dans l’étude, disponible dans la publication virtuelle Regards sur la société canadienne.
Depuis 2011, année où la question sur la durée du trajet a été posée la première fois, le navettage de plus de 60 minutes a connu une croissance de 5 %. Le nombre de navetteurs utilisant une automobile, lui, s’est accru de 3 % au cours de la même période. En 2016, sur les 1,5 million de Canadiens qui disaient passer beaucoup de temps vers le travail, 854 000 personnes le font en voiture, soit 57 %.
« C’est un phénomène de grande ville, précise Sébastien LaRochelle-Côté, de Statistique Canada, qui est en lien avec des facteurs de développement, de croissance. On est devant des cas d’étalement urbain. C’est ce qui explique la hausse [du navettage de longue durée]. »
L’analyse porte essentiellement sur les déplacements automobiles, ne citant le transport en commun qu’à titre comparatif. Les chercheurs font la distinction entre plusieurs types de navetteurs, comme ceux qui ont un « lieu habituel » de travail et ceux qui n’en ont pas. On y distingue surtout les trajets de courte durée (moins de 60 minutes) et de longue durée (60 minutes ou plus).
Parmi les données les plus intéressantes, ou inquiétantes, on trouve l’urbanisation non seulement de la région de Toronto, mais aussi de ses régions voisines, telles qu’Oshawa, Kitchener ou Barrie. Cette dernière a enregistré la plus forte proportion de trajets de longue en automobile en 2016. Sur l’ensemble de ses automobilistes en route vers le travail, 18 % y consacrent au moins 60 minutes. Autrement dit, 88 % de la population de Barrie devant faire des déplacements de longue durée les effectue en voiture. À Montréal, ces proportions tournent autour de 7 % et de 43 % respectivement. Comme Laval fait partie de sa région, le phénomène de « ville-satellite » n’existe pas ou, alors, ce sont des petites municipalités, comme Joliette.
« Barrie, c’est la baie Georgienne, ou presque. C’est au nord, près du lac Simcoe », commente M. LaRochelle-Côté, retenant son étonnement. Pour le chercheur, Montréal, comme Vancouver, est aux prises avec d’autres problèmes, liés à leur état insulaire. L’eau tout autour, convient-il, rend la situation plus complexe.
Sans vouloir se faire alarmistes, les statisticiens inscrivent leur nouvelle évaluation dans un cadre d’enjeux sociaux.
« Les trajets de longue durée en automobile, lit-on dans le document, peuvent avoir une incidence sur la santé, la sécurité et les finances personnelles des navetteurs. Des études montrent […] que les personnes qui utilisent un véhicule privé pour parcourir un trajet de longue durée sont plus susceptibles de subir des répercussions négatives que celles qui utilisent le transport en commun. »
« Le phénomène est à prendre au sérieux, dit le rédacteur en chef de Regards sur la société canadienne. On fait face à des villes où l’auto est omniprésente et les infrastructures, surutilisées. »
Selon lui, le recensement de 2021, qui abordera pour la troisième fois la durée des déplacements, permettra une meilleure analyse de la situation.
« On saura si [la hausse observée en 2016] était un artifice ou une tendance », avance Sébastien LaRochelle-Côté.