Enfin, le gouvernement a une nouvelle politique de transport collectif (qui remplace celle qui est venue à échéance il y a sept ans)!
Enfin, Québec ose tourner le dos à son approche en silos en optant pour une véritable politique intégrée (qui inclut les transports collectifs, actifs, routiers, maritimes, aériens et ferroviaires)!
Et enfin, le MTQ prouve qu'il est capable d'être autre chose que le ministère de la voirie (qu'il incarne depuis une bonne cinquantaine d'années)!
La politique de mobilité durable dévoilée hier a certes des défauts, comme son absence totale de mesures contraignantes, mais elle a le mérite d'amener le Québec de plain-pied dans la modernité.
On ne se contente plus bêtement d'essayer de transférer des navetteurs de l'auto aux transports en commun, on veut plutôt que 70% de la population ait accès à au moins quatre services de mobilité durable.
On ne cherche plus seulement à diminuer le nombre d'autos en circulation, on s'engage à réduire le temps de déplacement moyen domicile-travail (-20%) et les dépenses que les ménages allouent au transport (-20%).
Or seule une véritable politique intégrée permet de fixer de tels objectifs. Car seule une politique intégrée permet de s'attarder à tous les déplacements à la fois, selon l'approche du cocktail transport, qu'ils soient faits en métro, en Communauto, en Car2Go, en vélo ou en auto.
Les plus cyniques voient dans cette politique un plan verbeux, qui appuie sur tous les boutons à la mode. Rien de plus chic, raillent-ils, que de parler de «mobilité durable»!
Ce serait vrai si on s'en tenait aux «principes directeurs» et aux «priorités d'intervention». Mais ce qui fait de cette politique autre chose qu'un ramassis de voeux pieux, c'est le plan d'action et surtout, les 3 milliards de nouveaux investissements qui l'accompagnent.
Le gouvernement, autrement dit, met l'argent où il promet de le faire.
Prenons l'exemple de la bonification du service de transports en commun. On s'engage à le hausser de 5% chaque année, de façon exponentielle. Ambitieux!
Pour ce faire, on mise à nouveau sur les incitatifs financiers, comme on l'avait fait avec la précédente politique de développement des transports collectifs 2007-2011. En investissant dans l'amélioration du métro, du bus et des trains de banlieue, Québec avait alors généré une hausse globale de fréquentation des transports en commun de 11%.
On opte, cette fois encore, pour la même approche... mais en augmentant de manière substantielle les budgets. Québec consacre en effet 70% des milliards alloués aux «nouveaux projets» de transport... aux transports en commun. Du jamais vu!
D'ailleurs, la politique a le défaut de ses qualités. Les projets prévus sont si nombreux et si coûteux qu'il faudra à un moment donné se pencher sur leur financement au-delà de 2023. Les sommes sont budgétées pour le plan d'action de cinq ans, mais à plus long terme, on devra réfléchir à de nouvelles sources d'argent, comme la taxe kilométrique, le péage ou une hausse de la taxe sur l'essence.
Et s'il y a un bémol à cette politique, il est là : dans le refus d'attaquer les mesures contraignantes. Un enjeu crucial qu'on repousse à plus tard, après les élections bien évidemment, en raison des énormes réticences que cela provoque dans la population.
Du coup, on «favorise», on «encourage», on «propose» à l'aide de carottes financières... mais on ne contraint à peu près jamais.
Or sans bâton, on peut réussir à modifier les déplacements, favoriser les transports en commun, inciter les gens à embarquer dans le REM à Montréal et le tramway à Québec. Mais on peut douter que cela soit suffisant pour réduire les gaz à effet de serre à la hauteur des engagements fixés. Et on peut douter, aussi, que tous ces projets et mesures profitent d'un financement à long terme.
La politique de mobilité durable constitue un indéniable pas en avant, mais d'autres devront suivre.
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