Prolongement de l'autoroute 19: rejeté par le BAPE, autorisé par Québec

Prolongement de l'autoroute 19: rejeté par le BAPE, autorisé par Québec

de plus.lapresse.ca dans Transports/infrastructures

Un texte de Bruno Bisson, La Presse+

Rabroué en 2015 par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement pour son projet de parachèvement de l’autoroute 19, le ministère des Transports du Québec rebondit, trois ans et demi plus tard, avec un « nouveau » projet d’autoroute à quatre voies, identique au précédent, qui va tripler la capacité routière en heure de pointe matinale. Quel projet le MTQ concocte-t-il pour la banlieue nord de Montréal ?

Le projet de prolongement de l’autoroute 19 autorisé par le gouvernement du Québec, en juillet dernier, en banlieue nord de Montréal, est identique, ou presque, au projet original que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) avait repoussé en renvoyant le ministère des Transports du Québec (MTQ) faire ses devoirs.

Trois ans et demi plus tard, après des études comparatives entre plusieurs scénarios d’autoroutes et de boulevards urbains, le MTQ prévoit construire exactement le même projet sans modifications notables sur le plan de la circulation ou des transports collectifs, malgré les remontrances du BAPE.

Le projet de parachèvement de l’autoroute 19 est décrit en détail dans un rapport d’évaluation environnementale daté de mai dernier. Il s’agit d’un projet d’autoroute à deux voies de circulation par direction, auxquelles s’ajoutent des voies réservées aux autobus, en direction nord et sud.

La transformation du corridor de la route 335 actuelle, entre l’autoroute 40, à Laval, et la municipalité de Bois-des-Filion, en banlieue nord, nécessitera la construction de quatre nouveaux échangeurs autoroutiers et d’un nouveau pont sur la rivière des Mille Îles.

Un stationnement incitatif de 690 places sera implanté à l’intersection nord-est des autoroutes 19 et 640. On y construira un terminus d’autobus. Une piste multifonctionnelle sera aussi construite à part dans l’emprise autoroutière. Elle sera ouverte aux piétons, aux cyclistes et aux adeptes de la motoneige et des VTT.

Le MTQ n’a pas voulu préciser, cette semaine, les échéanciers du projet. Lors de sa présentation au BAPE, à l’automne 2014, le Ministère estimait à un peu plus de huit ans la durée de réalisation, à partir de l’obtention de l’autorisation gouvernementale. Celle-ci a été accordée en juillet dernier par l’ancien gouvernement libéral.

La construction de la nouvelle autoroute pourrait donc être complétée pour 2026.

Coût approximatif du projet de prolongement de l’autoroute  19 à l’époque de sa présentation au BAPE

Le rapport d’analyse environnementale produit en mai dernier conclut que le projet du MTQ est « justifié et acceptable » sur le plan environnemental. Six semaines plus tard, le 3 juillet dernier, le gouvernement Couillard a adopté le décret autorisant sa réalisation.

Un premier appel d’offres public pour la réalisation des plans et devis et d’un avant-projet définitif a été lancé par le MTQ en août dernier. Le contrat, d’une durée potentielle de huit ans, prévoit aussi un accompagnement du Ministère et la surveillance des travaux de construction. Le contrat n’est pas encore attribué. Trois regroupements de firmes de génie sont sur les rangs pour ce mandat.

En symbiose avec le MTQ

Dans son rapport mis en ligne mardi sur internet, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques se rend entièrement aux arguments du MTQ voulant que le prolongement de cette autoroute ne contribue pas à faire augmenter les émissions de gaz à effet de serre (GES), par rapport au statu quo.

L’équipe d’analyse estime aussi que malgré l’augmentation des débits de circulation sur l’autoroute, il n’y aura pas d’augmentation de la circulation de transit dans les quartiers du nord de Montréal, dont l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, où de nombreux élus et résidants s’opposent à ce projet depuis des années.

La route 335 actuelle, à partir de Bois-des-Filion jusqu’à l’autoroute 440, à Laval, ne compte qu’une seule voie de circulation sur la majorité de son parcours. Le projet du MTQ va permettre de tripler la capacité de circulation dans ce corridor, en période de pointe du matin.

Selon les données du rapport d’évaluation environnementale, la capacité du tronçon entre la rue Saint-Saëns et le boulevard Dagenais, à Laval, passera de 1520 véhicules à près de 4500 entre 6 h et 9 h du matin. Le trajet qui prend aujourd’hui 24 minutes, en raison de la congestion chronique entre Bois-des-Filion et Laval, prendra désormais moins de six minutes, selon les projections du MTQ.

Autoroute ou boulevard ?

En 2014, lors de la présentation du projet de parachèvement de l’autoroute 19 aux audiences publiques du BAPE, la nécessité de réaliser une intervention pour améliorer les conditions de circulation sur la route 335 actuelle ne faisait pas le moindre doute. Le débat a plutôt porté sur la forme que prendrait cette intervention et la place donnée aux transports collectifs.

Certains ont réclamé l’aménagement d’un boulevard urbain avec carrefours à plat, entre l’autoroute 440 et Bois-des-Filion, au lieu d’une autoroute, pour y limiter la vitesse à 70 km/h et limiter l’augmentation de la capacité routière.

Dans son rapport de janvier 2015, la commission du BAPE n’a pas tranché le débat. Elle a toutefois invité le MTQ à revoir son projet.

« Tout en reconnaissant l’urgence d’agir, une analyse comparative plus approfondie est requise entre les scénarios d’autoroute à deux voies ou de boulevards urbains, y compris celui avec carrefours plans et échangeurs. »

— Extrait du rapport du BAPE

Le BAPE estimait notamment « qu’en retenant le scénario d’autoroute à deux voies pour le parachèvement de l’autoroute 19, le MTQ encouragerait peu le transfert vers le transport collectif, comparativement à ce qu’il obtiendrait avec les scénarios de boulevards. »

Dans son rapport d’évaluation du printemps dernier, le ministère de l’Environnement consacre moins de deux pages aux études comparatives des scénarios d’autoroutes et de boulevards, que le MTQ a entreprises après le rapport du BAPE.

Selon ce rapport, tous les scénarios de boulevards urbains étudiés par le Ministère entraîneraient « des problèmes de fonctionnalité et de sécurité en raison des très nombreuses convergences de voies et des largeurs importantes des intersections » croisées par l’A19.

« À la lumière des éléments apportés et des objectifs visés, indique le ministère de l’Environnement dans son rapport, les analyses des solutions de rechange effectuées par le MTQ sont pertinentes et valables. Des solutions de rechange possibles et raisonnablement réalistes ont été évaluées. Nous sommes d’avis que l’initiateur a su démontrer et justifier son choix d’autoroute à deux voies par direction. »

 
 
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