SRB Pie-IX: une «autoroute d’autobus» construite sur le terrain d'un CPE à Laval

SRB Pie-IX: une «autoroute d’autobus» construite sur le terrain d'un CPE à Laval

de journalmetro.com dans Transports/infrastructures

Un texte d'Ugo Giguère, La Presse Canadienne

LAVAL, Qc — Toutes les trois minutes. C’est le rythme effréné auquel défileront des autobus avec l’aménagement du SRB Pie-IX, à quelques mètres d’un CPE de Laval, qui interpelle le ministère des Transports pour dénoncer la construction imminente de cette véritable «autoroute» directement sur son terrain.

Dans une lettre adressée au ministre François Bonnardel, datée du 28 janvier, le directeur général du CPE La Marmaille, Martin Boucher, réclame son intervention. Le dossier a été transféré à la ministre déléguée aux Transports et responsable de la région de Montréal, Chantal Rouleau, qui a confirmé à La Presse canadienne son ouverture à rencontrer la direction du CPE.

Le projet de service rapide par bus prévoit 11 kilomètres de voies réservées le long du boulevard Pie-IX depuis Laval et à travers toute l’île de Montréal.

Ce que conteste le CPE La Marmaille, c’est un tronçon dans le secteur du boulevard de la Concorde et de la rue Rose-de-Lima, où se trouvent deux garderies côte à côte, et où l’on prévoit l’aménagement d’un arrêt du SRB.

Selon les plans de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), les autobus doivent s’arrêter toutes les trois minutes, en heures de pointe, au débarcadère qui sera aménagé juste derrière la garderie. Des heures de pointe qui coïncident évidemment avec celles où les parents déposent leurs enfants le matin et reviennent les chercher en fin de journée. Le CPE accueille 142 enfants et une trentaine d’employés.

Actuellement, les deux installations du CPE La Marmaille sont enclavées, au bout d’une profonde allée de stationnements, derrière une caserne d’incendie et au cœur d’un centre de la nature. Aucune voie publique ne borde le CPE.

Pour aménager l’arrêt de bus, les plans nécessitent l’expropriation de deux résidences, puis la construction d’une voie qui passe sur le terrain avant des garderies et enfin d’un boulevard à quatre voies qui s’arrêtera à six mètres des locaux où se trouvent les enfants.

Tout cela fait en sorte que les autobus qui circulent en direction sud sur le boulevard Pie-IX vont devoir emprunter un long détour en empruntant le boulevard de la Concorde, en contournant la caserne d’incendie, en passant directement sur le terrain de la garderie, puis en allant rejoindre la future voie rapide du boulevard Pie-IX pour reprendre leur itinéraire vers Montréal.

«Ce n’est plus un milieu de vie pour les enfants!», laisse tomber avec dépit Martin Boucher.

Les parents administrateurs et la direction du CPE tentent depuis 2016 d’être entendus par les autorités responsables du projet SRB Pie-IX de même que par la Ville de Laval. Chaque fois, on leur répond qu’il est trop tard, que les plans ont été approuvés par le conseil des ministres et qu’on ne peut plus modifier les plans.

Martin Boucher dénonce que toutes les démarches ont été faites en catimini bien avant 2016. Jamais on ne leur a demandé leur avis, jamais on ne leur a montré de plans préliminaires avant de les placer devant le fait accompli. Tout ce que la direction du CPE a pu obtenir c’est l’ajout de panneaux d’arrêt, d’une clôture et de bollards pour assurer un minimum de sécurité aux enfants.

«Il n’y a eu aucune consultation publique à Laval. On est allé à Montréal, mais c’était une présentation où on s’est fait dire voici comment le projet va se faire», soutient M. Boucher.

Dans sa lettre au ministre Bonnardel, aussi adressée au premier ministre François Legault, Martin Boucher déplore l’envahissement d’un lieu paisible pour les enfants. «Le projet prévoit à la place d’un grand espace vert que nous utilisons hiver comme été un débarcadère ‘’kiss and go’’», écrit-il.

«Nous craignons pour la santé et sécurité de notre clientèle, et ce, à plusieurs niveaux. Accident entre les autobus et les parents, qualité de l’air et augmentation du stress causé par la pollution visuelle et sonore», ajoute-t-il dans sa missive.

Dans une présentation préparée à l’attention du CPE, l’ARTM reconnaît parmi ses «principaux défis» durant la réalisation des travaux qu’elle devra «assurer la sécurité des usagers du CPE La Marmaille».

L’ARTM a renvoyé notre demande d’entrevue à la Société de transport de Montréal (STM) en disant qu’elle était responsable du projet. La STM a refusé de nous accorder une entrevue en justifiant qu’elle poursuit les discussions avec le CPE.

Par courriel, la conseillère corporative en affaires publiques Amélie Régis répond tout de même que le tracé a été «approuvé par toutes les instances» et que le projet «s’est fait en concertation».

Le CPE affirme avoir obtenu des appuis verbaux de conseillers municipaux lavallois et de la direction de la santé publique, en plus d’avoir recueilli la signature de 250 parents et membres du personnel qui s’opposent au tracé.

En entrevue, la ministre Chantal Rouleau a déclaré ne pas savoir comment elle pourrait intervenir dans le dossier, mais elle a affirmé être ouverte à écouter les revendications des administrateurs du CPE.

«Je n’ai aucun problème à les rencontrer, mais je ne sais pas en quelle mesure on peut modifier un tracé qui a été entériné par le conseil des ministres en 2018 et par le conseil municipal de Laval», a-t-elle prévenu.

Des parents inquiets

Plusieurs parents rencontrés à l’heure du retour ont confié entretenir de grandes inquiétudes par rapport aux plans de l’ARTM. Tous, sans exception, n’arrivent pas à croire qu’il n’existe aucun autre tracé possible.

Étienne Yelle, qui est spécialisé en santé et sécurité au travail, n’en revient pas de la proximité à laquelle les imposants véhicules vont circuler autour du CPE que fréquente sa fille de quatre ans. «Un autobus, c’est plein d’angles morts!», s’inquiète-t-il.

Karen, mère d’un garçon de trois ans et d’une fille de deux ans qui vont au CPE La Marmaille, ne peut s’empêcher de craindre le pire alors que les enfants ont l’habitude de s’élancer en courant à la sortie de la garderie.

Même chose pour Patrice Villemure entrevoit difficilement l’avenir de ce qu’il qualifie de «meilleur CPE à Laval». Il s’attend à ce que l’arrêt de bus entraîne du flânage, de la pollution, du bruit alors que l’endroit représente actuellement un bel espace vert pour les enfants.

Ugo Giguère, La Presse canadienne

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